Le_gouverneur_d__antipodia.jpgPrenez deux hurluberlus, plongez-les dans l’eau de mer glacée et le vent giflant des 40° rugissants, laissez pourrir.

Albert Paulmier de Franville et Jodic sont isolés du monde. Le gouverneur par imprudence, le Brestois par choix. De Franville était attaché culturel dans un pays d’Asie, trop attaché aux jeunes filles d’ailleurs, scandale étouffé par punition administrative plutôt que puni par la justice des hommes. Jodic fuit une femme, Virginie, qui l’a aimé puis lui a préféré un officier de la Royale. Jodic l’électromécanicien pète un câble et signe pour le grand nulle part, l’au-delà ou presque, le proche du rien, le loin de tout, Perpète le Glaçon : Antipodia.

Les deux hommes jouent au Scrabble (ils ont dépassé les 13000 points chacun) ils respectent la hiérarchie (ils sont deux) et prennent leur mal en patience (l’unique porno disponible change de main sans jalousie). Mais les hommes qui s’éloignent de la civilisation se rapprochent de leurs bas instincts. Rousseau s’éloigne, Clausewitz arrive.

Dans ce roman d’aventure et quasi policier, Jean-Luc Coatalem brosse un portrait renversant d’humanité où la dignité des deux vigies de ce bout de France au milieu de nulle part est effritée par l’absence d’humanité, l’absence de tout. On est triste de cette déchéance et en même temps traversé d’un frisson : sommes-nous si misérables devant la nature toute puissante ?

Le gouverneur d’Antipodia
Jean-Luc Coatalem
Le Dilettante
Janvier 2012.

Article publié le 24 janvier 2012.